dimanche 12 janvier 2014

Le dernier souffle


J'avais déjà entendu parler de ces gens qui agonisent et attendent la présence de leurs proches ou d'une autre personne avant de rendre l'âme.
Ben ça m'est arrivé ce matin avec une patiente.
Elle était vraiment mal en point, elle me faisait de la peine à souffrir ainsi. Entendre ses râles d'agonie, c'était très dur. J'avais peur de la retrouver morte dans son lit.
La famille avait refusé l'acharnement thérapeutique et sa maladie ne pouvait qu'aller en s'aggravant. C'était hier encore une simple question d'heures; ce matin, de quelques minutes. On attendait, impuissants.
Avec mon binôme de travail, on avait décidé de terminer notre tour par cette patiente car on voulait prendre le temps de bien s'occuper d'elle, doucement.
Comme son état empirait à vue d'oeil et que certains signes de la fin étaient déjà là, je lui ai pris la main. J'ai senti ses doigts, son bras se raidir dans une dernière force. Et il est arrivé.
Celui qui fait peur à tant de monde. Celui qui effraie ceux qui ne l'ont jamais entendu. Moi aussi il m'inquiétait. Le dernier souffle.
Celui qui fait qu'après, il n'y a plus rien.
Celui qui vient de loin, long, silencieux, impressionnant, calme, doux, ultime, reconnaissable parmi les milliards que la vie a bien voulu accorder à notre corps.
Celui qui dit "C'est bon maintenant, ça suffit pour moi, je n'en peux plus. J'arrête."
Il ne se rend pas, non. Il décide de son moment. Il a décidé d'attendre qu'on soit près de cette dame pour venir, qu'on lui tienne la main, pour qu'elle ne se sente pas abandonnée, qu'elle n'aie pas peur.
Il est beau ce souffle.
Il est le point final, comme dans les dessins animés à la fin, quand c'est écrit "That's all folks!".

Mais chuuuuuuut. Maintenant vient l'apaisement.

6 commentaires:

  1. Mimi ,
    Même sur des sujets délicats, tu arrives à trouver les bons mots et les bonnes tournures de phrases , et cette sensibilité qui t'est propre ça ne me surprend pas.
    Très beau ce post , simple et efficace ....

    RépondreSupprimer
  2. C'est magnifique. Tu en parles d'une façon étonnante.

    RépondreSupprimer
  3. j'ai vécu ce moment en 1994 ( j'avais donc le même âge que toi ...), et malgré la dureté de vivre cet instant pour celui qui reste, je ne pouvais pas ne pas le faire et j'ai été par la suite contente de l'avoir fait ( mais cela m'a perturbé de longs mois !! ) . C'est la vie .

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Wowowow, tu vas un peu vite en besogne Dan, on n'avait pas exactement le même âge hum hum!

      Supprimer

N'aie pas peur et dis ce que tu en penses... Mais si tu choisis d'être "anonyme", écris au moins ton prénom que je sache qui me parle!